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Echange avec Agnès Bieder-Verdenne sur la maroquinerie et les accessoires de luxe

  • Expertise

Commissaire-priseur et gemmologue, Agnès Bieder-Verdenne travaille au Crédit Municipal de Paris depuis 28 ans et encadre l’équipe des assesseurs. Elle nous livre ses conseils en matière de maroquinerie et d'accessoires de luxe.

Expliquez-nous votre métier ! 

Notre travail est d’expertiser tous les bijoux, montres et objets déposés au Prêt sur Gage, afin que le Crédit Municipal de Paris puisse prêter au mieux sur chaque dépôt effectué. Nous organisons également toutes les ventes aux enchères du Crédit Municipal de Paris  –  cela ne concerne qu’un objet sur dix déposé. J’ai commencé ma carrière en expertisant plus particulièrement les bijoux et les montres. Petit à petit le secteur de la maroquinerie et des accessoires de mode s’est développé, je me suis alors formée à l’authenticité et à l’estimation sur ce domaine passionnant qui est en pleine expansion.

L’intérêt du prêt sur gage, c’est sa flexibilité, sa rapidité et sa simplicité : il requiert très peu de formalités ! Il permet d’emprunter tout en restant propriétaire : 90 % des prêts sont remboursés et l’objet récupéré par son propriétaire. Les personnes qui ont recours au prêt sur gage peuvent aussi décider de se séparer définitivement du bien en le revendant.

Avez-vous une anecdote à nous raconter à ce sujet ?

Cinq sacs Kelly de la maison Hermès sont passés en vente en avril 2023 aux enchères au Crédit Municipal de Paris dans un superbe état, et pourtant ils dataient tous de 1988 ! Ils avaient donc 35 ans ! La cliente les avait gardés 22 ans en les utilisant très peu. Ils sont restés 10 ans dans les coffres du Crédit Municipal de Paris avant qu’elle ne décide de s’en séparer.

Comment estimez-vous la valeur d’un objet ?

Lors du prêt, l’assesseur est chargé de faire une estimation : on estime la valeur de l’objet sur le marché des enchères publiques, qui peut être très différent de la valeur de l’objet neuf. Le Crédit Municipal de Paris va ensuite prêter entre 50 et 80 % de la valeur estimée de l’objet. Les personnes qui viennent sont de toutes les classes sociales, tous les profils et viennent pour des raisons très différentes : financer des travaux, la réparation ou l’achat d’un véhicule, un voyage, un mariage, des études, compléter un apport pour un achat immobilier, régler des factures, faire face à une dépense imprévue… Le plus petit prêt démarre à 30 euros, et peut monter jusqu’à 6 millions d’euros.

Un objet qui est vivant, c’est mieux. Ce qui est primordial, c’est de faire un bon investissement mais avant tout de se faire plaisir.

Quel est le profil d’un collectionneur de sacs et accessoires de luxe ?

Il y a différents profils, encore une fois cela dépend de l’objet : si c’est une montre, un sac à main, un accessoire de mode… Chez les collectionneurs, certaines personnes vont acheter pour investir. D’autres sont des amoureux de l’objet. Ils vont vouloir avoir le même modèle sur plusieurs couleurs, sur plusieurs formes ou déclinés sur plusieurs années. Quoi qu’il arrive, quand on collectionne un bijou, une montre ou un sac, je trouve qu’il faut pouvoir le porter. Un objet qui est vivant, c’est mieux. Ce qui est primordial, c’est de faire un bon investissement mais avant tout de se faire plaisir.

Comment démarrer une collection d’accessoires de luxe ? Quelle pièce phare acquérir en premier ?

Je pense qu’au départ c’est une histoire de coup de cœur, la passion et cette envie d’avoir l’objet : ce foulard en soie, ce sac à main dont on rêve depuis des années. Ça dépend aussi énormément du budget. Quand on achète en seconde main, il est crucial de vérifier l’authenticité. C’est toujours dur d’être sûr à 100%. Les très bonnes affaires sur les marques mythiques : il faut se méfier ! Pour commencer, il faut se tourner vers des sacs de marque pour des budgets raisonnables : Celine, Chloé, Gucci, Longchamp, Lancel, Bottega Veneta, Jacquemus, Versace…

Pour tous les accessoires de luxe, ce qui est important c’est de conserver les écrins, les factures, les cartes d’authenticité.

J’ai un sac Chanel ou un foulard Hermès dans mon dressing. Comment savoir combien il vaut ? Comment estimer si ma pièce de luxe est authentique ? 

En maroquinerie, certains objets ont une valeur “volatile” et fonctionnent par mode. Un sac à main peut passer de mode au fil des années. Certaines grandes marques comme Hermès, Chanel, Louis Vuitton sont des marques qui ont tendance à prendre de la valeur ou se maintenir à des prix élevés.  Pour tous les accessoires de luxe (sacs à main, foulards, articles de maroquinerie, ceintures…) ce qui est important c’est de conserver les écrins, les factures, les cartes d’authenticité. Ça peut être également un inventaire de successions, d’assurance… Ces documents permettent de nous aider dans l’expertise et dans certains cas donnent de la valeur à l’objet. Pour estimer la valeur d’un accessoire de mode, nous regardons les poinçons, les inscriptions, les finitions, les détails, les coutures, la calligraphie, les numéros de série,.. Mais c’est souvent dans la finition ou dans la matière que cela va être déterminant. Par exemple, avec Hermès la qualité de cuir est exceptionnelle. Chez Chanel, les finitions sont très fines. C’est dans le détail que ça se joue.

Le secteur des bijoux, des montres et des accessoires de mode sont trois secteurs complémentaires où l’expertise est particulièrement importante pour détecter les contrefaçons.

Le niveau des contrefaçons est arrivé à un niveau exceptionnel. Notre force pour les détecter, c’est le travail d’équipe. Nous sommes plusieurs à expertiser et échangeons régulièrement. On ne va pas forcément regarder le même détail. On peut également appeler des experts extérieurs pour nous aider dans nos recherches, ou puiser dans nos archives. Tous les indices doivent être analysés. Surtout quand les montants sont élevés et que les enjeux sont importants (par exemple sur un sac Kelly de chez Hermès). 

Quels sont les modèles les plus recherchés ou qui ont le plus de valeur ?

Le graal en maroquinerie c’est le “Birkin” et le “Kelly” de la Maison Hermès : ils sont intergénérationnels, internationaux, iconiques et, en même temps, leur qualité est exceptionnelle ! Également très recherchés : le sac Chanel “Timeless” ou le “Lady Dior” de la Maison Dior… Ce qui fait la différence entre deux sacs du même modèle, c’est le cuir, la couleur, la taille, et l’année. Yves Saint Laurent est aussi une marque phare.

Qu’est-ce qui fait que mon objet a plus de valeur ou, au contraire, en perd ? Un conseil pour l’entretenir et veiller à ce qu’il garde sa valeur ?

Quand on est en possession d’un ou de plusieurs accessoires de luxe, il faut qu’ils soient bien entretenus afin de rester en bon état. Les sacs peuvent avoir différentes utilités : on va en utiliser certains pour le quotidien, et d’autres avec lesquels on sera plus précautionneux, pour des occasions exceptionnelles. Ce qui donne également de la valeur à un sac est de garder les accessoires : le dustbag, la facture, la boîte. 

Pour qu’un sac garde sa forme initiale, on peut le rembourrer lorsqu’on ne l’utilise pas avec du tissu ou du papier de soie. 

Est-ce que vous prenez tous les accessoires de luxe ? Est-ce qu’il y a des matières que vous refusez ?

La fourrure est refusée, l’ivoire aussi. Tout ce qui est griffes, dents de félin également. Des matières peuvent être plus ou moins protégées, avec des réglementations qui évoluent dans le temps. Ces réglementations ont pour but de protéger des animaux en voie d’extinction.